Le titre du sujet offre à la lecture un paradoxe apparent : celui d’appréhender, à travers la médecine anti-âge, qui se présente comme une médecine globale, holistique, s’appuyant sur différents systèmes interactifs d’optimisation des processus de vieillissement des fonctions des organes, un aspect particulier : le vieillissement de la peau, dont la prise en charge passe le plus souvent par des soins symptomatiques, essentiellement locaux, pour ne pas dire exclusivement locaux pour un certain nombre de médecins esthéticiens.
Comment articuler ces 2 points de vue et élargir la vision et les ressources du praticien pour traiter la peau autant du dedans que du dehors et ne pas laisser au patient l’image d’un technicien de surface, mais plutôt celui d’un médecin à part entière.
Nous avons choisi d’isoler quelques aspects de l’interaction de fonctions métaboliques et hormonales en rapport avec le vieillissement de la peau et des solutions thérapeutiques adaptées.
Nous rappelons brièvement tout l’intérêt de la prévention anti âge par l’hygiène et l’alimentation, qui a déjà largement pénétré la presse publique de santé et la presse féminine. Au plan de l’alimentation, un consensus véhiculé par les médias s’est fait sur l’importance donnée à la fraction protidique, à la consommation de fruits et légumes frais, pour l’apport vitaminique et minéral, à la diminution de la ration de corps gras d’origine animale, à l’augmentation de la consommation d’A.G ω 3 et 6, à l’importance de la ration hydrique.
Au plan de l’hygiène : prévention de l’exposition aux rayons UV et à l‘intoxication tabagique, nécessité d’une bonne oxygénation tissulaire par l’activité physique, contrôle de l’excès des mimiques faciales et entretien trophique par une gymnastique générale et faciale.
Toutes ces mesures sont abondamment décrites et commentées dans les différents forums des sites internet anti-âge.
Nous rappellerons donc les grands principes de la Médecine Anti-âge et retenons 9 objectifs qui définissent le champ d’action du médecin anti-âge :
- Lutter contre les radicaux libres : les antioxydant
- Protéger la mitochondrie avec L Carnitine, acide α lipoique, Coenzyme Q10
- Lutter contre l’inflammation : thé vert curcumine, DHEA, pré-probiotiques
- Lutter contre la résistance à l’insuline et la glycation : réactions croisées : carnosine + thé vert, chrome, vitamines B1, B8, ac alpha lipoique
- Prévenir les insuffisances de méthylation : doser l’homocystéine et si besoin le SAMe, l’acide folique, la B12
- Contrer le déséquilibre hormonal
- Prévenir les pertes cognitives : stimuler l’acétylcholine : phosphatydil Sérine
- Stimuler le système immunitaire avec DHEA, probiotiques, IgA
- Réguler le taux d’acides gras (AG). : ω 3 à longues chaines
Nous avons choisi de développer 3 rubriques dans leur rapport au vieillissement de la peau : les pré et probiotiques, les hormones et les A.G.
Les pré et probiotiques
L’importance des relations entre le système digestif et la peau ne sont plus à démontrer. Avant que l’on ne parle de vieillissement, les affections intestinales, même fonctionnelles, sont connues comme se répercutant sur le « teint » de la peau. Les infestations chroniques de l’éco système digestif entretiennent les mycoses cutanées. Le milieu intestinal est régulé par la présence des pro et prébiotiques
Les probiotiques sont des lactobacilles de différentes souches, qui en luttant contre les bactéries pathogènes, contribuent à renforcer l’épithélium intestinal et à renforcer la protection immunitaire générale et périphérique, jusqu’aux cellules dermiques de Langerhans.
En synergie avec les prébiotiques, fructo oligossacharides, ils vont contribuer à diminuer les phénomènes d’inflammation lente en s’opposant aux cytokines inflammatoires. Cette inflammation lente qui s’installe dans le corps au cours de l’âge du fait de l’apparition de l’insulinorésistance, de la multiplicité des contacts antigéniques dus à une perméabilité intestinale excessive entrainant des excès de réponses antigènes-anticorps, va activer les collagénases du tissu conjonctif.
Une des priorités de l’attention du médecin morphologue et anti-âge est de veiller à la bonne régularisation du transit de sa patiente et à l’entretien de sa flore intestinale par complémentation sous forme de cures séquentielles de pré et de probiotioques associés à la prise de Curcuma.
Les hormones
La progestérone
Elle joue un rôle dans la balance avec les estrogènes au niveau de l’imprégnation tissulaire, mais également au niveau cérébral où elle est source de nombreux neuro stéroides, modulateurs de l’humeur.
Elle a un effet trophique par voie générale et surtout locale au niveau de la peau : elle facilite la rétention hydrique et inhibe le catabolisme du collagène
Prescription : dans le THM sous forme naturelle et en phytothérapie dans le yam, soja, tribulus terrestris et sous forme locale en crème cosmétique.
Les oestrogènes
Le seul bénéfique est l’estradiol : il a un rôle important d’anti oxydant, de neuromédiateur, et de protecteur cardio vasculaire, coronaro protecteur mais aussi veinotonique.
Il est à privilégier à l’estrone dont le risque est connu de mutations carcinogénétiques.
Il active la synthèse du collagène qui assure la résistance des tissus et le maintien de leur structure dont on distingue :
► 80% de collagène de type I : à fibres épaisses : RESISTANCE
► 20% de collagène de type II : à fibres fines : MOBILITE
On peut le prescrire dans le THM per os ou par voie percutanée.
En phytothérapie, les plantes riches en phytoestrogènes ou isoflavones sont le soja, le kudzu, la sauge, le houblon, le tribulus terrestris. Rappelons l’intérêt particulier des phytoestrogènes également comme préventif de la cancérogénèse en activant, entre autre, l’élimination du 16 OH estradiol génotoxique.
La DHEA
C’est une pro-hormone intermédiaire des hormones sexuelles qui est en très forte baisse à 60 ans (15% du taux de 25 ans) et qui possède un effet anti stress et anti ostéoporose.
Elle limite et rattrape le vieillissement cutané en favorisant la cicatrisation et en réduisant la dégradation veineuse. Elle bloque la collagénase et les cytokines pro-inflammatoires. Elle augmente la synthèse de pro-collagène et le taux de stéroïdes sexuels dans la peau. Ses effets sur la peau se reconnaissent à l’augmentation de la sécrétion de sébum (brillance de la peau), à l’épaisseur de l’épiderme et à l’atténuation de la pigmentation du vieillissement.
Posologie : des doses de 25-50mg/j. L’indication idéale : la femme de 70 ans, en baisse de vitalité, un peu dépressive, un peu ostéoporotique, à la peau ridée plutôt fine.
Elle peut compléter le THM. Rappelons qu’il convient de prendre avant tout en charge l’environnement micronutritionnel de la mitochondrie, lieu de synthèse de la DHEA à partir du cholestérol qui ne doit pas être trop bas !
L’hormone de croissance
Elle est la clef de l’anti vieillissement et possède des effets trophiques remarquables, immunitaires, osseux, cérébraux, cardiovasculaire. Elle donne la sensation du bien être et c’est le seul anti-vieillissant complet de la peau qui augmente la production de collagène et d’élastine.
C’est une hormone pulsatile à sécrétion nocturne d’où l’importance de la qualité du sommeil. Son effecteur métabolique périphérique est l’IGF1, qui a une parenté de structure avec l’insuline d’où une répercussion de l’insulinorésistance sur son action.
Elle est également soumise à des facteurs de sécrétion :
► L’exercice physique plutôt aérobique lactique
► Le sommeil surtout : sécrétion de la HGH pendant la phase paradoxale
► L’alimentation : la sécrétion est favorisée par l’hypoglycémie
► Les sécrétagogues : les hormones (mélatonine, DHEA, THM), l’arginine, l’ornithine, la glutamine ++ (qui est également un facteur important de l’homéostasie intestinale).
Les acides gras omégas
Ce sont les constituants des phospholipides membranaires et les précurseurs des prostaglandines anti-inflammatoires nécessaires à la lutte contre les phénomènes généraux d’inflammation lente.
►Ω6 : GLA : γ-linolénique : huile d’onagre et de bourrache, essentiels pour la peau.
►Ω3 : α-linolénique, EPA, DHA. Ils font fonction de barrière (en participant à la bonne hydratation de la peau) et de souplesse (plus marqués pour les AG à longues chaines).
Ils donnent hydratation et souplesse à la peau.
L’EPA et le DHA permettent la substitution au niveau des membranes cellulaires de l’acide arachidonique, oméga 6 pro inflammatoire. La supplémentation quotidienne devient obligatoire avec l’âge, car il existe une baisse d’activité des désaturases permettant d’aboutir au DHA et EPA.
Conclusion
L’approche du traitement du vieillissement de la peau en médecine anti-âge se fait dans une démarche clinique et biologique micronutritionnelle, indispensable pour personnaliser la prise en charge de notre patient, (profil en acides gras, homocystéine, marqueurs de stress oxydant, zinc, cuivre, sélénium, IGG témoins d’une immunisation alimentaire..), qui repère les différents dysfonctionnements ou carences liés à un vieillissement cutané excessif et pouvant déboucher sur un traitement restaurateur de fond .Cette approche globale sera utilement complétée, le cas échéant, en cas de stigmates prononcés et structurés du vieillissement, par une large gamme de soins locaux de réjuvénation, à la disposition du médecin anti-âge.
Bibliographie
Articles :
Soyland E., Lea T, Sanstad B, Drevon A. Dietetary supplementation with very long chain n- 3 fatty acids in man decreases expression of the interleukin-2 receptor on mitogen-stimulated lymphocytes from patients with inflammatory skin diseases. Eur J Clin Invest 1994 Apr; 24(4): 236-242. Chapat L, Chemin K, Dubois B, Bourdet-Sicard R, Kaiserlian D. Lactobacillus casei reduces CD8(+) T cell-mediated skin inflammation. Eur J Immunol. 2004 Sep; 34(9): 2520-8.
Edmonson S.R.: Epidermal homeostasis: the role of the growth hormon (GH) and insulin like growth factor systems. J Clin Endocrino Met. 2000 May; 85(5): 1874-81.
Ouvrages :
Les Hormones végétales naturelles. Drs D. RUEFF et M. NAHON. Sully Editions. 1997 Le guide pratique de la Médecine Anti-âge. Dr Claude DALLE. Ed Thierry Soucar. 2007
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Note du comité de lecture