L’éternelle jeunesse est l’apanage des dieux de l’Olympe. La fontaine de jouvence, par exemple, est le plus ancien mythe sur la jeunesse éternelle, on dit qu’il est aussi ancien que l’histoire de l’humanité. Cependant, la quête de la jeunesse éternelle est souvent punie, il suffit de se souvenir du sort de Narcisse et d’Apollon.
La médecine anti-âge s’intéresse par définition au vieillissement, tant au vieillissement visible (cutané) qu’invisible (état général, état des articulations…). L’utilisation de l’hormone de croissance comme arme anti-âge a été évoquée dès les années 70 et est par essence sujet à controverse. L’objet de ce travail est de donner au lecteur des repères quant aux possibilités de son utilisation, de façon à optimiser son utilisation et à réduire les risques pour le patient.
LA hGH NATURELLE
La hGH (human Growth Hormon) ou Hormone de croissance est une hormone polypeptidique synthétisée et sécrétée par des cellules de l’antéhypophyse tout au long de la vie. Elle n’est pas active en tant que telle: elle doit d’abord se lier à des récepteurs spécifiques pour fabriquer les facteurs de croissance appelés Insulin like Growth Factors (IGFs). On a décrit 2 IGFs, dont l’action est modulée par des IGFBP (IGF-binding proteins). Ce sont tous des facteurs mito- gènes. Le plus connu est l’IGF1. Il est fabriqué par le foie sous l’action de la GH et de son récepteur et va agir sur plusieurs cibles(1) :
- Augmente l’absorption du calcium, renforce et accroît la minéralisation de l’os.
- Augmente la masse musculaire.
- Favorise la lipolyse.
- Augmente la synthèse des protéines.
- Stimule la croissance des organes.
- Réduit l’absorption hépatique de glucose
- Favorise la néoglucogenèse hépatique
- Contribue à l’entretien et la fonction des îlots pancréatiques
- Stimule le système immunitaire
La GH connait un pic de sécrétion au moment de la croissance de l’adolescent puis une décroissance progressive et régulière. Toutefois, on sait maintenant que même après la croissance, la GH est encore utile chez l’adulte. On estime à 35 ans le début du déclin significatif de cette hormone.
L’EXCÈS D’APPORT ENDOGÈNE (ACROMEGALIE) OU EXOGÈNE DE hGH
On appelle syndrome acromégaloïde l’ensemble des manifestations en lien avec un excès de hGH, que ce soit par adénome antéhypophysaire produisant de la hGH ou par apport exogène.
Cette dernière situation a été essentiellement décrite chez les adeptes de culturisme, mais cette pratique semble exister dans d’autres sports où la force, le développement des sarcomères voire la modification de l’apparence physique sont recherchés.
Dans tous les cas, cette prescription est qualifiée de dopage. La GH est interdite en et hors compétition dans la liste des substances et méthodes interdites de l’AMA(2.3.4.5). Sur le net, on trouve pléthore de sites permettant l’achat en ligne de « comprimés d’HGH », en général en lien avec des activités de culturisme.
LA CARENCE EN hGH
Les patients privés complètement de GH (par exemple après chirurgie large de l’hypophyse) présentent des symptômes(6) à type de fatigue, prise de poids, troubles de la peau et des phanères, diminution de la force musculaire et de la performance à l’effort, syndrome dépressif/labilité émotionnelle. Objectivement on met ainsi en évidence une modification de la composition corporelle, de la densité minérale osseuse, une tendance à l’insulinorésistance, une diminution des capacités à l’effort et globalement, une baisse de la qualité de vie.
Quand on traite les patients et qu’on évalue le bénéfice à 10 ans au travers de 17 analyses on est surpris de voir que les symptômes parfois améliorés dès les premiers mois de traitement, sont loin de s’améliorer avec le temps et même peuvent s’aggraver(7): labilité émotionnelle, manque d’énergie, isolement social, sensibilité à la douleur… tout au plus, il semble exister un petit bénéfice sur la densité minérale osseuse(8.9).
Les doses utilisées sont comprises entre 0.3 et 1.9 mg de GH selon le poids de l’individu et par jour. Les contre-indi-cations sont toutes les situations où la mitogénicité est problématique : tumeur hypophysaire opérée il y a moins de 12 mois, cancer du sein, du colon, de la prostate, rétinopathie diabétique proliférative, grossesse. Les effets secondaires sont nombreux (syndrome du canal carpien…).
QUELLE VOIE D’ADMINISTRATION ?
La voie injectable dans l’allopathie
La plupart des fabricants mentionnent le contenu de hGH en ng/cp. Ceci donne une information erronée au consommateur. La hGH est un peptide de 191 acides aminés qui est beaucoup trop grand pour être absorbé par voie sublinguale. Ingérée, elle est complètement détruite par le HCl digestif. Voilà pourquoi les traitements substitutifs par hGH se font par voie injectable.
Actuellement, la hGH recombinante a l’AMM dans le retard de croissance chez l’enfant (RCIU, déficit en GH avant la puberté, ostéodystrophie rénale, syndrome de Prader-Willi, syndrome de Turner)(10) et le déficit profond de l’adulte, authentifié par une réponse négative à au moins un test de stimulation(11).
Le traitement par GH est un médicament très onéreux qui ne doit donc être utilisé que lorsque le rapport bénéficesrisques est clairement positif, et qui doit être encadré par des spécialistes. En effet, le traitement n’est pas dépourvu d’effets indésirables, et les patients doivent par conséquent être étroitement suivis(12).
Certains médecins, surtout aux USA, réalisent des injections de « petites doses » de GH sous cutanée dans le cadre de la médecine anti-âge. A noter que ces produits se procurent assez facilement mais que la plupart des sites signalent bien que l’ADA, pas plus que l’HAS, n’a pas donné son accord dans cette indication, car « ele ne reconnait pas la médecine anti-âge » comme procurant un bénéfice aux populations…
La voie orale et sous cutanée dans « l’homéopathie »
Les formulations « homéopathiques » sont décrites comme pouvant être absorbées par voie sublinguale(13). Ce ne sont donc pas des médicaments homéopathiques au sens classique : l’homéopathie reposant sur le trépied « similitude, individualisation, infinitésimal », on voit qu’il manque au moins deux critères :
- La similitude : on devrait disposer plutôt de produits mimant le vieillissement et non l’évitan.t
- L’individualisation : cette hGH est la même pour tout le monde…
On dispose aussi de patches cutanés(14): si ces derniers permettent une résorption shuntant la dégradation enzymatique gastrique, le qualificatif d’homéopathique est là aussi discutable pour les mêmes raisons.
On voit bien qu’il ne s’agit pas d’homéopathie, mais d’authentiques (dans le meilleur cas) microdoses allopathiques invariablement inactivées sitôt ingérées. Le patch constitue la seule alternative théorique, mais il faudrait connaître réellement la quantité biodisponible, ce qui est loin d’être le cas, bien que la biodisponibilité soit réelle, stable et sérieuse(15), au moins chez le rat.
Autres « voies d’apport »
On trouve également sur le marché des « précurseurs de hGH »(16). Ceci est un terme impropre. En fait, le produit contient des acides aminés qui ne sont pas des précurseurs de la hGH mais peuvent stimuler la fabrication de GH. Dans le cadre d’une alimentation variée et équilibrée, n’excluant surtout pas la viande ni le poisson, il n’y a pas de carence avérée dans ces acides aminés.
Alternatives
Parmi les moyens de stimuler la production de hGH on peut trouver : la perte de poids surtout concernant la graisse abdominale, l’exclusion des sucres d’IG élevé, l’exclusion des protéines aux repas du soir, l’exercice physique régulier et aérobie et un sommeil réparateur. Certaines pistes concernant d’autres nutriments que les acides aminés déjà connus sont encore à l’étude :
CDP-choline et vit B3.
ETAT DES LIEUX : UTILISATION EN MAA
A l’évidence, la GH est communément utilisée en MAA en France, il suffit de surfer sur les pages web des médecins pratiquant la MAA pour s’en convaincre. Le même mes- sage est régulièrement relayé : « la GH diminue avec l’âge, or la GH permet de développer force et masse musculaire ». Le message implicite est clairement « en apporter est l’assurance de la restauration d’une masse musculaire satisfaisante ». Nous réitérons notre message de prudence : la GH n’a pas l’AMM en médecine anti-âge en injectable, quelle que soit la posologie. De plus, sa prescription initiale est affaire de spécialiste : endocrinologues, pédiatres… Aux USA, la GH peut être prescrite(17) quelle que soit sa galénique.
CONCLUSION
L’administration d’hGH pourrait prévenir ou inverser le vieillissement physique en permettant la restauration d’un âge physiologique plus avantageux. Quelques études ont constaté des changements positifs chez les personnes traitées et d’autres l’inverse, surtout après 10 ans de recul. Cependant, le nombre de personnes testées était trop faible, les études n’ont pas été poursuivies assez longtemps et les effets secondaires n’ont pas été évalués à long terme. L’utilisation de la GH repose donc pour le moment, seulement sur un postulat. Son seul mode d’administration ouvant générer un effet « thérapeutique » est la voie sous cutanée. Les quantités injectées sont laissées à l’appré- ciation de l’opérateur. Le patch pourrait être une alternative intéressante. La GH n’a pas l’AMM en France pour cette indication. Espérons qu’une recherche scientifique plus rigoureuse sera effectuée pour répondre aux questions concernant l’efficacité et l’innocuité de la hGH dans les années à venir.
D’autres voies existent pour stimuler la synthèse de GH, du moins en théorie : ces moyens sont assez simples de mise en œuvre à condition de recueillir la motivation du patient. Dans tous les cas, ces mesures contribuent non seulement à stimuler la production de hGH mais aussi de développer une meilleure estime de soi qui passe par l’image valorisante d’un corps mince et sportif.
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BIBLIOGRAPHIE
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Note du comité de lecture