1. CONTEXTE SCIENTIFIQUE
1.1. Introduction et généralités sur la sclérose en plaques
La sclérose en plaques (SEP) est une maladie chronique lentement progressive. La SEP se caractérise par une démyélinisation diffuse du système nerveux central (SNC), notamment du cerveau et de la moelle épinière. Les premiers signes cliniques apparaissent typiquement entre 20 et 40 ans. Les estimations font état d’environ 2 millions de patients dans le monde (Kingwell et al, 2013) et 70 à 90000 patients en France (HAS, 2006). La SEP est la cause de désordres neurologiques la plus fréquente chez les jeunes adultes. Le sexe ratio Femmes/Hommes est habituellement évalué au-dessus de 2 :1. Si l’étiologie de la SEP n’est pas parfaitement connue, certains facteurs de risques ont été identifiés dans le processus auto- immun du développement de la maladie, notamment l’infection à Epstein Barr Virus (EBV), la consommation tabagique et l’hypovitaminose D (Handel AE, 2010 ; Handel AE, 2011 ; Zivadinov R, 2009 ; Manouchirinia A, 2013 ; O’Gorman C, 2012). Ce travail à pour objectif de faire une synthèse des publications récentes sur la relation épidémiologique, pré-clinique et clinique ainsi que sur les mécanismes immunologiques permettant d’expliquer la relation causale entre un déficit en vitamine D et l’apparition d’une SEP.
1.2. Prévalence et incidence de la SEP
Une méta analyse de 123 études (Kingwell et al, 2013) retrouve une augmentation de l’incidence de la SEP au cours du temps et une hétérogénéité forte dans les populations étudiées. L’Europe est considérée comme ayant une forte prévalence de la SEP, définie par un taux supérieur à 30/100000 (Kurtzke JF et al, 2000) avec plus de la moitié des patients diagnostiqués dans le monde. Toutefois, la prévalence varie en fonction des populations Européennes. En France, la prévalence globale est estimée à 94,7/100000. Le taux annuel d’incidence est extrêmement variable, entre 1,4/100000 en Corse et 4,1/100000 dans le centre de la France (Kingwell et al, 2013). À titre de comparaison, la prévalence de la Norvège, du Danemark et de la Suède est estimée à plus de 150/100000 dans cette étude (Kingwell et al, 2013) alors que la prévalence de la péninsule Ibérique est estimée à 53/100000 et celle de l’Europe centrale (Allemagne, Suisse, Autriche, Hongrie) est estimée entre 62 et 128/100000.
En France, une analyse de la corrélation entre l’exposition solaire (UVB) et prévalence de la SEP a été effectuée (Orton SM et al, 2011). Les auteurs démontrent une forte corrélation entre latitude, exposition aux UVB et prévalence de la SEP (Figure 1).
En France, le gradient Nord-Sud est démontré par un ratio de la prévalence de la SEP d’environ 2 :1 entre les zones les moins exposées aux UVB (5 Wh/m2) et les zones les plus exposées (10.0 Wh/m2)
Dans les 22 régions françaises étudiées, la latitude est étroitement corrélée avec le taux de prévalence (r=0,78, p<0,001) et avec l’exposition annuelle en UVB (r=0,96, p<0,001). Il n’existe pas de corrélation statistiquement significative avec le degré de longitude.
Il est par ailleurs, intéressant de constater que la corrélation est plus forte entre l’exposition aux UVB et les Femmes, qu’entre l’exposition aux UVB et les Hommes (Figure 2).
La corrélation est plus marquée entre le niveau de rayonnement UVB et la prévalence de la SEP chez les Femmes (cercles rouges, r=-0,76) que chez les Hommes (carrés noirs, r=-0,46)
Cette étude supporte l’hypothèse que l’exposition aux UVB est un facteur environnemental notable notamment dans l’explication du sexe ratio constaté dans la SEP.
Ce gradient nord-sud est constaté plus largement dans les différents états des Etats-Unis, au Canada, en Angleterre (Pierrot-Deseilligny C, 2013) et en Europe ((Kingwell et al, 2013).
Globalement, il est retrouvé un gradient de latitude avec une augmentation de l’incidence de la SEP lorsque l’on s’éloigne de l’équateur et un gradient d’altitude, l’incidence de la SEP étant diminuée chez les population vivant en montagne (Thouvenot E, 2013).
1.3. Formes cliniques de la SEP
Les formes cliniques de la SEP sont principalement regroupées sous 4 entités (HAS, 2006) :
- La forme primaire progressive (SEP PP),
- La forme rémittente à évolution progressive (SEP PR),
- La forme secondairement progressive (SEP SP),
- La forme évoluant par poussées de type récurrente/rémittente (SEP RR).
La forme la plus fréquemment retrouvée au début de la maladie est la forme RR de la SEP pour environ 80 à 85% des patients. Concernant l’ensemble du parcours des patients, la forme RR représente environ la moitié des patients. La forme RR peut être définie par l’absence de d’éléments neurologiques péjoratifs en dehors des périodes de poussées.
Plus rare, la forme primaire progressive (PP) concerne environ 10% des patients atteints de SEP qui présentent des déficits neurologiques continus dès le début de la maladie.
Environ cinquante pour cent (50%) des patients atteints de SEP RR passeront à la forme SP dans les 10 années suivant le début des symptômes (Beck J, 2010 ; Tutuncu M, 2013). La majorité des patients qui présentent un score EDSS supérieur ou égal à 6 présenteront une forme secondairement progressive. Dans une étude incluant 210 patients présentant soit une SEP RR, soit une SEP PP (Tutuncu M, 2013), l’auteur avance l’hypothèse que l’ensemble des formes cliniques présente un mécanisme commun neurodégénératif expliquant l’évolution, toutefois, en fonction des formes cliniques, l’inflammation et l’activité démyélinisante précédant les périodes de poussées diffères. 98% des patients ayant une forme secondairement progressive ont un score Expanded Disability Status Scale (EDSS) supérieur à 6. De plus, le facteur le mieux corrélé à un EDSS supérieur à 6 semble être l’âge des patients plus que la durée d’évolution antérieure de la SEP RR. Notons qu’un score EDSS coté en dessous de 4 reflète un dysfonctionnement neurologique débutant, alors qu’un score supérieur à 4 implique une limitation de déambulation et un handicap pour le patient.
1.4. Diagnostic et surveillance de la SEP
1.4.1. Aspects diagnostiques
La révision des critères de Mc Donald en 2010 (Polman CH, 2011) doit permettre d’obtenir une meilleure sensibilité et spécificité diagnostique ainsi qu’une utilisation parmi l’ensemble des populations, garantissant l’uniformité du diagnostic.
Fondamentalement, le diagnostic est porté sur la dissémination temporelle et dans l’espace des lésions du système nerveux central. Le diagnostic sera porté sans examen complémentaire devant la présence de 2 poussées au moins, 2 lésions au moins objectivées cliniquement ou la présence d’une lésion associée à l’apparition antérieure d’une poussée. Les autres cas diagnostiques sont présentés dans le tableau 1.
1.4.2. Surveillance clinique et para-clinique de la SEP
L’évolution de la SEP se fait sur la clinique en surveillant la fréquence et la sévérité des poussées. Le score EDSS permet de coter de 1 à 10 l’invalidité engendrée par la SEP (Kurtzke JF, 1983), un score EDSS < 4 reflète un dysfonctionnement neurologique débutant, un score > 4 implique une limitation de déambulation et un handicap pour le patient.
Notons la publication récente d’un score intitulé : Patient-derived MS Severity Scores (P- MSSS) (Kister I, 2013). Ce score, complémentaire, à pour objectif principal de coter et comparer le handicap de différentes populations et évaluer globalement son évolution dans des cohortes de patients. De plus, ce score doit permettre de calculer des modèles de coût-efficacité dans les études épidémiologiques.
Sur le plan para-clinique, l’IRM est un des éléments fondamentaux du diagnostic et du suivi de la SEP. Les mesures objectives, reproductibles, renouvelables et quantifiables permettent de suivre l’évolution d’un patient, de mesurer l’effet des traitements que ce soit à titre individuel ou dans le cadre des études cliniques.