QU’EST-CE QUE L’HYPNOSE MÉDICALE ?
En pratique clinique l’hypnose médicale est d’abord et avant tout une pratique, un outil mis au service des professionnels de santé et des patients et qui nécessite une relation thérapeutique étroite centrée sur l’empathie et la confiance entre le praticien et le patient. De la qualité de cette relation dépend l’obtention de l’effet thérapeutique souhaité.
Milton Erickson disait « L’hypnose, c’est une relation pleine de vie qui a lieu dans une personne et qui est suscitée par la chaleur d’une autre personne »
De nos jours il n’y a pas de définitions scientifiques universellement validées de l’hypnose.
Le plus souvent on retrouve dans la littérature scientifique des propositions de définitions identifiant le processus hypnotique comme un état d’attention focalisée, de dissociation et d’absorption avec suspension relative du champ de conscience durant lequel le sujet reste réceptif à certaines suggestions.
Personnellement je propose une définition métaphorique et neuro phénoménologique de l’hypnose :
« L’hypnose est à l’éveil ce que le rêve est au sommeil ; l’attention, la motivation, l’imagination en sont ses effecteurs et la mémoire son vecteur ».
LES SUJETS SOUS HYPNOSE SONT-ILS VRAIMENT DANS UN ÉTAT NEUROLOGIQUE PARTICULIER ?
D’après une étude en neurosciences sur la compréhension de l’effet hypnotique sur le comportement et la perception des mécanismes neurophysiologiques impliqués dans le mouvement, les professeurs Patrick Vuillemier, Yann Cojan et les co-auteurs de l’étude viennent de confirmer que l’hypnose repose sur des mécanismes cérébraux particuliers. Elle provoque une reconfiguration de la communication entre plusieurs régions du cerveau et une implication de régions différentes quand l’expérience a lieu sous hypnose. Cela pousse les chercheurs à dire : « C’est comme si l’imagination prenait le contrôle du cerveau et de la perception !»
LES INDICATIONS MÉDICALES DE L’HYPNOSE :
Son champ d’application touche toutes les spécialités. Les indications médicales sont nombreuses et la liste est non exhaustive :
En médecine : douleurs chroniques, douleurs aiguës, troubles anxieux, dépressifs, phobies, syndrome de stress post traumatique, addictions (sevrage tabac, médicaments, autres toxiques) problèmes de poids (anorexie, surpoids, obésité) et de trouble du comportement alimentaire, stress et symptômes psychosomatiques dermatologiques, endocrinologiques, gynécologiques, digestifs, neurologiques…
En technique de soins médicaux ou paramédicaux pour l’accompagnement de soins douloureux, anxiogènes (hypnoanalgésie) ou pour agir sur des effets secondaires de la chimiothérapie ou radiothérapie (nausées, vomissements, brûlures…) et favoriser des fonctions naturelles comme la cicatrisation, les défenses immunitaires, l’hémostase…
En chirurgie (technique spécifique d’hypnosédation, gestion du stress pré et post-opératoire), en maternité (accouchement, périnatalité, procréation médicalement assistée).
Pour favoriser les pratiques non médicamenteuses nécessitant une participation active du patient en complément des autres traitements dans le domaine des soins préventifs, curatifs ou palliatifs. En gérontologie pour favoriser l’autonomie des personnes âgées en institution.
Initier le patient à l’autohypnose pour son état général et son autonomie dans les affections chroniques et renforcer son adhésion en éducation thérapeutique ou en entretien motivationnel. Et lutter et prévenir le syndrome d’épuisement professionnel (burn out) chez les soignants.
EN PRATIQUE COMMENT SE DÉROULE UNE SÉANCE D’HYPNOSE MÉDICALE EN MÉDECINE MORPHO-ESTHÉTIQUE ?
L’humain est un système complexe et évolutif et sa physiologie bien que largement explorée avec des moyens de plus en plus sophistiqués reste encore à découvrir. On considère actuellement que sont intimement intriqués des phénomènes biologiques et neurophysiologiques, psychiques, socio-économiques et comportementaux.
Tous ces aspects sont à prendre en compte pour une bonne pratique de l’hypnose que ce soit pour la prise en charge de la douleur ou autres phénomènes biologiques. Aussi quel que soit l’objet du motif de la consultation médicale esthétique l’approche globale du patient est plus que tout nécessaire pour établir un lien bienveillant indispensable à l’obtention d’un état hypnotique utilisable en pratique.
La 1ère phase est la phase dite d’induction.
Il existe plusieurs techniques pour aider quelqu’un à entrer en hypnose et il conviendra d’utiliser celle qui répond le mieux à la sensibilité du patient. Par des suggestions verbales, son intonation et son attitude corporelle le médecin va favoriser le confort, la détente et la confiance pour permettre au patient de s’isoler des stimulations sensorielles du monde extérieur et de s’intérioriser pour accéder aux ressources physiologiques de son corps et de son esprit.
En technique d’hypnose ericksonienne cette phase se fait progressivement, en douceur et de façon permissive. C’est ce qui différentie l’hypnose autoritaire et de music-hall de l’hypnose permissive et autonomisante. Cette phase est en général assez rapide à obtenir, de quelques secondes à une dizaine de minutes ou plus, cela dépend des facteurs inhérents au praticien, au patient et au contexte.
La seconde phase est la phase d’hypnose proprement dite.
Durant cette phase le praticien va favoriser par différentes techniques spécifiques le niveau de profondeur de la transe hypnotique qui est nécessaire à l’obtention des phénomènes hypnotiques qu’il désire obtenir pour la réalisation et l’accompagnement du geste esthétique.
Dans cette attitude centrée sur soi et par des suggestions utilisant des images mentales, des métaphores ou autres, le praticien va stimuler et utiliser l’imagination du patient afin d’obtenir l’effet physiologique qu’il désire (analgésie, détente musculaire, action sur l’hémostase…).
Le patient reste conscient et présent durant toute la durée de l’hypnose en ayant l’impression de rêver tout en étant éveillé. La qualité de la relation et la précision du langage hypnotique est déterminante pour l’obtention de ces phénomènes hypnotiques. Pendant toute cette phase le praticien reste en contact permanent avec son patient.
Et cette communication se fait de façon non verbale par des signaux qu’il aura pris soin de codifier à l’avance ou tout simplement en communicant verbalement avec son patient en état d’hypnose.
L’état d’hypnose étant un processus actif, la durée de cette phase est conditionnée par la coopération du patient et l’acceptation par celui-ci des suggestions faites par le praticien. Il n’est donc pas indispensable que le praticien parle en continu au patient pour le maintenir en état d’hypnose comme on le fait le plus souvent.
Des techniques d’autonomisation de la transe permettent au praticien d’induire et de mener l’hypnose tout en effectuant le geste technique esthétique. Il est alors séduisant de savoir, que cela soit en activité libérale ou en institution, que l’hypnose nous permet de travailler dans de telles conditions de confort et en toute sécurité.
La dernière phase est la sortie de l’état d’hypnose.
Elle se fera progressivement grâce à des suggestions favorisant le retour à un état de conscience ordinaire selon un protocole bien codifié qu’il est impératif de respecter. Durant cette phase des suggestions de cicatrisation, d’antalgie, de régénération ou de changements de comportements ou autres suggestions peuvent être proposées au patient pour qu’elles agissent après l’hypnose. C’est ce que l’on appelle des suggestions post hypnotiques.
Après l’hypnose le patient éprouve une sensation très agréable de détente et de bien être avec le plus souvent un sentiment particulier d’énergie assez durable dans le temps. Il est en possession de tous ses moyens physiques, psychiques et intellectuels et peut reprendre son véhicule en toute sécurité.
INTÉRÊT DE L’HYPNOSE EN MÉDECINE ESTHÉTIQUE AU CABINET MÉDICAL :
L’indication la plus courante en technique de soins comme les injections, la dermo-pigmentation, les peelings ou l’utilisation des lasers pour les indications les plus fréquentes en cabinet médical, est la gestion de la douleur et de l’anxiété. C’est ce qu’on appelle l’hypnoanalgésie.
La relaxation obtenue permettant de travailler sur des tissus relâchés facilite le travail technique du médecin et participe à la satisfaction du patient. L’hypnosédation est une technique d’anesthésie particulière de sédation consciente et d’hypnose utilisée en chirurgie.
Les suggestions pour favoriser la cicatrisation ou le contrôle du saignement sont aussi des indications très utiles dans certains cas. Et l’hypnose est très intéressante pour la prise en charge des effets somatiques négatifs du stress et donc sur le vieillissement cellulaire oxydatif.
Dans le traitement des rides par hypertonie musculaire l’association de l’hypnose et des techniques cognitives et comportementales permet de travailler sur les automatismes musculaires selon une approche de biofeedback. Cette synergie d’action exogène et endogène optimise l’utilisation de la toxine botulique dans le traitement des rides fonctionnelles. Et dans le contexte juridico-administratif actuel, il est très séduisant d’un point de vue éthique de pouvoir ainsi diminuer les risques qui pourraient être inhérents à ces techniques en agissant directement sur la cause de l’hypertonie.
En thérapie et en entretien motivationnel l’apport de l’hypnose pour la prise en charge des problèmes de surpoids et des troubles du comportement alimentaire est d’une aide précieuse non seulement sur la réduction pondérale obtenue sur le court terme mais également sur la stabilisation du comportement sur le long terme.
Les changements obtenus grâce à l’hypnothérapie modifient en profondeur et rapidement les patterns comportementaux et émotionnels. De façon plus spécialisée l’hypnothérapie est indiquée pour la prise en charge des troubles de l’humeur qui altère l’estime de soi et l’image de soi des patients qu’il nous faut prendre en charge avant ou en concomitance du traitement esthétique sous peine d’insatisfaction du patient en souffrance morale endogène.
Le problème de la dysmorphophobie, maladie complexe, nécessite une prise en charge beaucoup plus complexe. Ces résultats méritent bien entendu d’être évalués par des études comparatives autres que celles étudiant le retentissement de l’hypnose sur le bienêtre.
LA MÉDECINE RÉPARATRICE ONCO-MORPHO-ESTHETIQUE.
Je voudrais aussi aborder un domaine de compétence qui me touche tout particulièrement et qui est issu d’une pratique clinique de 16 ans d’expérience à temps partiel au centre de lutte contre le cancer Unicancer-Val d’AurellePaul Lamarque Montpellier.
Cette pratique inclue environ 4600 patientes (dont 2 hommes) dont le motif principal de consultation est le plus souvent la reconstruction par dermopigmentation de la plaque aréolo-mamelonnaire après mastectomie et reconstruction mammaire.
Dans cette spécialité les indications sont les mêmes avec cependant un intérêt plus important pour la cicatrisation cutanée compte tenu des lésions tissulaires dues aux différents traitements conventionnels et en particulier les séquelles de radiothérapie.
L’action de l’hypnose sur le contrôle du saignement m’est aussi souvent très utile pour réaliser des actes techniques alors que les patientes sont sous anti-agrégant plaquettaire et que, compte tenu du long délai d’attente pour obtenir un rendez-vous à la consultation, je ne désire pas les reconduire.
Et sur le plan émotionnel et psychique, l’hypnose m’est tous les jours d’une aide très précieuse pour faciliter le travail de deuil qui peut malgré la reconstruction chirurgicale, n’avoir pas été complètement fait par la patiente et entrainer toute une série de symptômes fonctionnels.
Les tableaux de compte rendu d’activité ci-dessous en résument les principales indications :
En médecine esthétique la participation active du patient en hypnose et la découverte de ses ressources physiologiques inexplorées participent sensiblement à sa guérison ou à son mieux être.
L’expérience hypnotique est une expérience de vécue sensorielle très enrichissante tant pour le patient que pour le médecin et qui laisse toujours pour celui qui le vit un sentiment exceptionnel et troublant. Là est la seule magie de l’hypnose !
QUEL PROFESSIONNEL DE SANTÉ PEUT UTILISER L’HYPNOSE MÉDICALE ?
L’hypnose bien que processus particulier de conscience est considérée comme une pratique parmi d’autres formes de pratiques scientifiques ou cliniques validées. L’hypnopraticien doit donc avoir les diplômes requis lui permettant d’exercer dans le champ professionnel où il désire exercer son activité hypnotique et en limitera son usage clinique et scientifique aux aires de compétences que lui reconnaît le règlement de sa profession pour lequel il est dûment diplômé.
Pour plus de renseignements sur les formations en hypnose médicale vous pouvez consulter le site de l’institut montpelliérain d’hypnose ericksonienne médicale, celui de la faculté de Médecine de Montpellier ou de la Confédération francophone d’hypnose et de thérapies brèves.
L’hypnose nécessite une relation de confiance de haut grade, et à ce titre les règles d’éthique médicale doivent être comme dans l’ensemble de notre pratique professionnelle respectées dans toutes leurs dimensions.
Dr Isabelle Nicklès
Diplômée de la Faculté de Médecine de Montpellier Praticien Centre Régional de Lutte Contre le Cancer Val d’Aurelle
Responsable de l’unité de Médecine esthétique – Dermopigmentation médicale
Responsable du Diplôme Universitaire d’Hypnose Médicale
Faculté de Médecine-Université Montpellier1.
BIBLIOGRAPHIE
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- Geetha Desai, Santosh K Chaturvedi, and Srinivasa Ramachandra. Hypnotherapy: Fact or Fiction : A Review in Palliative Care and Opinions of Health Professionals. Indian Journal Palliative Care. 2011 May-Aug; 17(2): 146–149.
- Gary Elkins, Joel Marcus, Vered Stearns, Michelle Perfect, M. Hasan Rajab, Christopher Ruud, Lynne Palamara, and Timothy Keith. Randomized Trial of a Hypnosis Intervention for Treatment of Hot Flashes Among Breast Cancer Survivors. J. Clin. Oncol. 2008 November 1; 26(31): 5022–5026
- Marie-Élisabeth Faymonville, Pierre Maquet, Steven Laureys. Comment l’hypnose agit sur le cerveau : la Recherche N°392 12/2005.
- Suite de la bibliograpnie disponible au secrétariat de l’AFME
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