Le premier âge
Selon la croyance populaire, les fées auraient le pouvoir d’apporter la beauté aux nouveaux-nés en se penchant sur leur berceau. Un joli minois est en effet une grâce qui valorise un bébé puis un enfant pendant des années. Dès la maternité et les premières semaines de la vie, il est prouvé qu’un physique harmonieux vous attire la bienveillance de ceux qui vous entourent. Une étude américaine faite par deux scientifiques de l’Université de Harvard, le psychiatre Igor Elman et la psychologue Rinah Yamamoto montre que les adultes sont plus attirés par de beaux bébés que par des bébés au physique ingrat. Une série de photos de bébés leur a été présentée. Résultat : ces personnes ont passé rapidement sur les photos de bébés jugés « moches » alors qu’elles se sont attardées sur les photos de bébés qu’elles trouvaient beaux. Les femmes surtout seraient plus sensibles à la beauté d’un bébé (non seulement le leur !) et inversement supporteraient mal la vision d’un bébé laid. Ce sentiment inconscient conditionne par la suite le lien d’attachement parents-enfants.
Et les bébés, quel est leur ressenti vis-à-vis des adultes qui les entourent ?
Selon une étude, faite par Judith Langlois, professeur de psychologie à Austin au Texas, auprès de bébés de deux à huit mois, les bambins, dès leur plus jeune âge, sont attirés par de jolis visages. Une autre étude réalisée par des psychologues chinois, montre que même des bébés sont sensibles à certains traits du visage : grands yeux, sourcils hauts et pommettes arrondies qu’ils associent à la confiance qu’ils accordent aux adultes. De quoi donner raison au philosophe irlandais Edmund Burke, un peu visionnaire, qui écrivait il y a deux siècles : « Nous devons conclure que la beauté est, pour la plus grande partie, une certaine qualité dans des corps, agissant mécaniquement sur l‘esprit humain par l’intervention des sens ».
Par la suite, le « joli » bébé tirera profit de son physique durant sa scolarité. En vertu du sentiment inconscient que « le beau est bon » de plus hautes aptitudes et potentialités sont attribuées aux enfants au physique avenant.
La beauté est donc assimilée à la compétence sociale et cela s’observe tout au long du cursus scolaire, même si cette gratification s’estompe un peu lorsque l’enfant grandit.
A l’école
Un enfant au physique ingrat risque de devoir supporter une double peine : d’une part les enseignants auront tendance à déployer moins d’efforts pour le faire progresser et ils auront tendance à lui attribuer de moins bonnes notes selon les conclusions de Rachel Gordon de l’université de l’Illinois sur une étude effectuée sur 9000 adolescents.
Selon Jean-François,Amadieu, président de l’Observatoire français des discriminations, l’apparence conditionnerait entre 20 à 40 % des résultats scolaires.
Naître beau agit donc comme un tremplin pour l’avenir. Et de plus, cet avantage fera que l’on sera plus indulgent vis-à-vis de vos fautes. Faire son chemin de la maternelle au lycée n’est donc pas une sinécure si vous n’avez pas la chance de figurer parmi les « beaux » !
En 1972 une étude effectuée par Karen Dion à l’université de Toronto portait sur 243 femmes qui ont évalué une histoire d’enfant de l’âge de 7 ans ayant envoyé des boules de neige à la tête d’enfant. Selon qu’ils étaient mignons ou ingrats, le comportement des adultes variait : ce geste est involontaire, il faut être clément, ce n’est pas grave ou a contrario ils récidiveront, il faut les punir sévèrement.
L’école peut même être assez dévastatrice pour l’image que l’on se fait de soi. Se faire traiter de « grosse patate » ou de « grande girafe » en cour de récréation peut vous coller à la peau durant des années. Un sondage, réalisé en 2015 par l’Association Québécoise de Santé Publique (AQPS) atteste que 90 % des jeunes interrogés ont été témoins d’intimidations par rapport à leur poids dans leur école et que 45,5% des ados qui en ont été victimes ont continué à être obsédés par leur poids durant des années. Il en est de même en France, le sociologue Olivier Galland, s’appuyant sur des statistiques de l’INSEE, montre que les principales moqueries recensées auprès des ados de 12 à 17 ans portent sur l’apparence : la corpulence et la taille arrivant en premier lieu. Ces critiques touchant plus les filles que les garçons. Une discrimination grave à l’âge de l’adolescence où l’on construit sa personnalité essentiellement à travers le regard de l’autre : parents, enseignants, amis etc.
Cette discrimination existe encore à l’université et touche les filles en première ligne !
A l’université
Deux économistes américains Rey Hernandez-Julian et Christina Peters, de l’Université de Denver, après avoir étudié plus de 100 000 notes obtenues par 5 394 étudiants, en ont conclu que, à compétences équivalentes, les étudiants qui présentaient le mieux avaient aussi les meilleures notes ! Des statistiques « troublantes » selon les auteurs de cette étude. Les professeurs investiraient-ils plus de temps auprès d’élèves plus esthétiques, les aideraient-ils davantage à progresser ?
Une certaine injustice perdure donc de la maternelle à l’Université.
Toutefois il arrive, certes plus rarement, que ces brimades agissent comme une stimulation. Parmi les exemples célèbres, citons Jean-Paul Sartre, Charles Aznavour qui ont souffert de leur physique ingrat et Nicolas Sarkozy de sa petite taille. Mais l’avenir a montré qu’ils ont su prendre leur revanche !
A l’heure des selfies
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