La médecine esthétique offre aujourd’hui un panel de procédures non invasives utilisant des agents physiques externes, afin de réduire ou d’éliminer les dépôts graisseux corporels disgracieux, telles que les ultrasons focalisés de haute intensité, la radiofréquence anti-cellulite, le laser de faible intensité… La cryolipolyse ou lipocryolyse (« CRYO » pour froid, « LIPO » pour graisse, « LYSE » pour destruction) suscite un réel engouement dans les cabinets de médecine esthétique, mais séduit aussi les instituts de beauté.
L’objectif du traitement est de supprimer les petites surcharges graisseuses localisées rebelles à un régime alimentaire et à la pratique d’une activité sportive régulière par destruction sélective des adipocytes (cellules adipeuses situées dans l’hypoderme ou tissu graisseux sous-cutané) via un choc thermique généralement froid appliqué sur la zone ciblée, sans passer par le bistouri donc pas d’anesthésie, pas d’aiguille, pas d’effraction cutanée .
Le CoolSculpting® de la société américaine Zeltiq est le pionnier de ce traitement, appareil breveté en 2008. Depuis, de nouveaux dispositifs ont vu le jour ces dernières années. Diverses études ont montré que cette approche est efficace et sécuritaire.
Le but de cet article est de tenter de faire un point non exhaustif sur cette technique, qui soulève certaines questions, notamment en ce qui concerne les mécanismes d’action mis en jeu et son application clinique qui n’est pas encore uniforme.
Mots clés : Cryolipolyse, lipolyse, adipocytes, choc thermique, refroidissement contrôlé
INTRODUCTION
Le principe de la cryolipolyse repose sur une observation faite depuis longtemps : les adipocytes sont plus vulnérables à une exposition au froid contrôlée en durée et en intensité que les autres cellules de l’organisme, avec comme référence les travaux des Docteurs R Rox Anderson et Dieter Manstein du Wellmann Institute de Boston. Ces chercheurs ont réalisés des études précliniques sur des modèles porcins pour démontrer la sécurité et l’efficacité ‘du traitement (Ref :Manstein D et Zelickson B).
Manstein D, Laubach H, Watanabe K, Farinelli W, Zurakowski D, Anderson RR. (2008). « Selective cryolysis: A novel method of non-invasive fat removal ». Lasers in Surgery and Medicine. 40 (9): 595–604.
Zelickson B1, Egbert BM, Preciado J, Allison J, Springer K, Rhoades RW, Manstein D. Cryolipolysis for noninvasive fat cell destruction: initial results from a pig model. Dermatol Surg. 2009;35(10):1462–70.
Les observations faites sur l’animal ont ensuite été transposées à l’homme.
Ref : Coleman SR, Sachdeva K, Egbert BM, Preciado J, Allison J. Clinical efficacy of noninvasive cryolipolysis and its effects on peripheral nerves. Aesthetic Plast Surg. 2009;33:482–8)
C’est ainsi qu’est né le premier appareil de cryolipolyse appelé le CoolSculpting® de la société Zeltiq (Zeltiq Aesthetics, Pleasanton, CA, USA racheté en 2017 par le laboratoire Allergan). Le CoolSculpting permet la réduction des bourrelets localisés de façon efficace et sécuritaire pour harmoniser la silhouette. Cet appareil de cryolipolyse bénéficie du marquage CE médical (Conformité Européenne), de l’agrément FDA (Food and Drug Administration) américaine et canadienne et a fait l’objet de nombreuses études cliniques et scientifiques. Nous ne pouvons pas, bien entendu, les citer dans cet article. Cette machine américaine fut la première commercialisée en France. Plus récemment, d’’autres dispositifs médicaux portant un marquage CE ont été mis sur le marché. Le marquage CE est relativement complexe et la législation va changer vers 2021 pour plus de rigueur.
Nous allons parler de 4 machines : Coolsculpting® de Zeltig ; le Cryoslim®(BFP Electronique, Montrodat, France), le LipoContrast® (Clinipro, Barcelone, Espagne) et le Cristal® (Deleo, Saint-Raphaël, France).
Cependant, bien que ces dispositifs aient une technologie assez proche, le mécanisme d’action de la cryolipolyse n’est pas complètement élucidé. De nombreuses observations évoquent l’apoptose (autodestruction) des adipocytes par le froid.
Ce mécanisme a été cependant récemment remis en question. De plus, le protocole thérapeutique proposé n’est pas appliqué de façon uniforme puisqu’il est fonction des dispositifs employés. Ce sont ces points dont nous allons discuter, après une présentation générale de cette technologie médicale.
Le mécanisme d’action qui prévaut à l’heure actuelle
L’application du froid induit une inflammation localisée (panniculite) du tissu adipeux sans atteinte des tissus adjacents comme la peau, les nerfs, les vaisseaux sanguins…
Ref : Laubach HJ.La cryolipolyse–comprendre pour bien faire. Ann Dermatol Venereol. 2015:Vol.142, Issues 6–7,2S336-2S337.
Les adipocytes, riches en acides gras saturés, ont une forte sensibilité au froid. Le refroidissement engendre une cristallisation des lipides intra-adipocytaires localisés dans le pannicule adipeux. Ces cellules seraient ensuite éliminées définitivement de l’organisme au fil des semaines suivant l’acte, selon le processus d’apoptose (mort naturelle, théoriquement programmée des cellules) et ce, sans affecter de façon significative le taux de lipides sanguins ou la fonction hépatique (Klein et al., 2009).
Klein KB1, Zelickson B, Riopelle JG, Okamoto E, Bachelor EP, Harry RS, Preciado JA. Non-invasive cryolipolysis for subcutaneous fat reduction does not affect serum lipid levels or liver function tests.Lasers Surg Med. 2009 Dec;41(10):785-90.
MATERIEL
La cryolipolyse classique repose sur l’aspiration sous vide du bourrelet graisseux par une pièce à main spécifique et son refroidissement précis en durée et en intensité par plaques à effet Peltier pendant la durée du traitement. L’effet Peltier (aussi appelé procédé thermoélectrique) est un phénomène physique de déplacement de chaleur en présence d’un courant électrique. Les plaques Peltier sont des pompes à chaleur avec une face froide en contact avec la peau et la chaleur est rejetée par la face chaude. Un applicateur en forme de ventouse aspire sous vide (vacuum) le tissu graisseux à traiter puis extrait la chaleur de l’hypoderme via ces plaques à effet Peltier intégrées dans la pièce à main. Un refroidissement rapide de la zone ciblée est ensuite administré et maintenu pendant une durée déterminée et contrôlée, sans léser les couches superficielles de la peau qui ont été préalablement protégées.
2 machines ont 4 plaques à effet Peltier qui entourent bien la zone à traiter et non 2 plaques opposées (type nord / sud ) : le Cryoslim ® et le Crystal ®. Le froid est bien circonscrit et ne s’échappe pas. On peut ainsi se permettre d’avoir des températures moindres (-2 à – 5°C) pour une bonne efficacité et protéger la peau.
En dehors du CoolSculpting (Zeltiq/Allergan) qui a donné lieu à de nombreuses publications, nous citerons, à titre d’exemple, deux dispositifs français certifiés CE médical qui ont fait l’objet d’articles récents.
La cryolipolyse Cristal ® s’est avérée être une méthode efficace et sûre sur un grand nombre de zones traitées après une séance unique. 83% des patients ont souhaité réaliser une deuxième séance.
Naouri M. Fat removal using a new cryolipolysis device: a retrospective study of 418 procedures.J Eur Acad Dermatol Venereol. 2017 Mar;31(3):e158-e160
Une étude récente réalisée avec le système Cryoslim® à l’Hôpital Henri Mondor (Créteil, France) sur une cohorte de 53 personnes ayant une culotte de cheval a montré l’efficacité de la procédure (30 à 40 % de plis adipeux éliminés en une seule séance), sa bonne tolérance et un haut niveau de satisfaction des patients.
Adjadj L, SidAhmed-Mezi M, Mondoloni JP, Meningaud JP, Hersant B. Assessment of the efficacy of cryolipolysis on saddlebags: a prospective study of 53 patients. Plast Reconstr Surg. 2017;140: 50-7.
Etant donné l’évolution grandissante de cette technologie ces dernières années, les médecins ont aujourd’hui à leur disposition des machines capables de traiter deux zones simultanément en une seule séance, ainsi que des pièces à main plus spécialisées pour traiter toutes les zones du corps. Les grands applicateurs traitent une zone large (culotte de cheval par exemple). Les petits applicateurs ciblent de plus petites zones de graisse superflue comme le double menton. La forme des applicateurs a aussi évolué vers un design plus ergonomique ainsi que le nombre de Peltier. Les deux dispositifs français précités sont dotés d’un quadruple système Peltier par pièce à main, ce qui optimiserait leur efficacité.
Ces appareils ne doivent pas être utilisés par du personnel non médical, notamment les esthéticiennes (voir discussion).
Les pièces à main rigides et à pan abrupt peuvent couper la circulation et augmentent le risque de nécrose.
Il faut faire attention aux machines qui descendent trop bas en température (au congrès des esthéticiennes j’ai vu un appareil qui descend à -20°C !!!) peuvent cristalliser l’eau et donc engendrer des risques de nécrose. Le seul but est d’arriver aux alentours de + 5 °C dans l’hypoderme sans atteinte des tissus adjacents.
L’orientation actuelle : le choc thermique
2 machines le proposent : Le LipoContrast (Clinipro, Barcelone, Espagne) et le Cryoslim ® (BFP Electronique, Montrodat, France). Le fait de chauffer en premier lieu la graisse va changer la forme de cristallisation des triglycérides, ce qui va permettre de mieux agresser la paroi des adipocytes et donc augmenter leur destruction. La première phase sera une montée en température à 40°/41°C pendant 3 minutes (Cryoslim®) à 10 minutes (lipocontrast ®) à +3 pendant 35 minutes (lipocontrast ®) ou à -5 °C pendant 60 minutes (Cryoslim ® ) afin d’agir sur les adipocytes susceptibles d’être non-répondants à l’action du froid et ainsi de majorer les résultats. le lipocontrast ® propose un choc thermique triphasé (chaud-froid-chaud) sur le tissu graisseux ciblé (Ref:Pinto H).
Pinto Hand Melamed G. Contrast lipocryolysis: Pre- and post-session tempering improves clinical results.Adipocyte. 2014 Jul 1;3(3):212-4
MISE EN ŒUVRE EN PRATIQUE
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Note du comité de lecture