Les médecins esthétiques sont sollicités par leurs patients pour des conseils concernant les produits cosmétiques. Il est donc intéressant pour les praticiens d’acquérir des fondamentaux en cosmétologie (1).
RÉGLEMENTATION COSMÉTIQUE
Les cosmétiques sont soumis depuis 1976 à une réglementation européenne rigoureuse qui ne cesse d’évoluer (2). Selon cette législation, certains ingrédients sont interdits, d’autres ne doivent être utilisés que dans une limite de pourcentage très précise. Tous les cosmétiques doivent faire l’objet de tests de tolérance. Les formules sont déclarées aux centres anti-poison (cosmétovigilance).
Un produit cosmétique est un produit à usage local dont la vocation est de nettoyer, de protéger et d’embellir. A la différence des médicaments, ou des soins esthétiques médicaux, il ne soigne pas de pathologie et ne comporte aucun rapport bénéfice/risque. Il est formulé pour être respectueux de la peau et ne pas nuire.
On entend par produit cosmétique « toute substance ou tout mélange destiné à être mis en contact avec les parties superficielles du corps humain (épiderme, système pileux et capillaire, ongles, lèvres et organes génitaux externes) ou avec les dents et les muqueuses buccales, en vue, exclusivement ou principalement, de les nettoyer, de les parfumer, d’en modifier l’aspect, de les protéger, de les maintenir en bon état ou de corriger les odeurs corporelles » (2).
FORMES GALÉNIQUES ET COMPOSITIONS
Les produits cosmétiques sont classés en plusieurs formes galéniques (Tableau I).
Les produits cosmétiques sont composés d’excipients, d’additifs et d’actifs. On entend par actif un ingrédient spécifique qui justifie la revendication du produit (Tableau II).
Exemple de la composition d’une émulsion :
- 50 % d’eau
- 30 % d’huiles et de corps gras
- 12 % d’agents de texture (consistance, fini sur la peau)
- 4 % de tensioactifs
- 2 % d’actifs
- < de 1 % de conservateurs, de parfums et de colorants
FORMULATION COSMÉTIQUE
Il existe trois formes de préparation en cosmétologie :
- Produits anhydres ;
- Produits aqueux ;
- Emulsions E/H ou H/E.
On trouve également les patchs, les aérosols et les mousses.
Les émulsions comportent une phase aqueuse (hydrophile), une phase grasse (lipophile) et un tensioactif ou un mélange de tensioactifs qui permet la stabilisation de l’émulsion. Les tensioactifs (émulsionnant) sont les traits d’union entre les deux phases. Ils peuvent être également lavant, moussant ou conditionnant.
La phase aqueuse contient de l’eau, des humectants ou émollients (glycérol, sorbitol, propylène glycol…), des épaississants ou gélifiants (gommes, cellulose, alginate, carbomer) et des conservateurs, bactériostatiques ou fongistatique.
La phase grasse contient des hydrocarbures (vaseline, paraffine…), des glycérides (huiles végétales…), des cires végétales (carnauba) ou animales (lanoline…), des acides gras (acide oléique…) ou des alcools gras (alcool myristique…).
PRODUITS COSMÉTIQUES : QUE CONSEILLER ?
Les besoins rencontrés sont de remédier à la déshydratation, la peau grasse, la peau sensible et au vieillissement cutané. Un ensemble d’ingrédients contribuent à réduire ces désordres.
Ingrédients hydratants pour réduire la déshydratation cutanée
La déshydratation est un phénomène transitoire qui peut être corrigé (tableau III).
Ingrédients peau grasse
Pour lutter contre la peau grasse, les femmes sont prêtes à tout. Elles se distinguent souvent par une surconsommation de gestuelles (gommage, scrub, masque) un peu abusive, voire contreproductive car elle ne combine pas efficacité et respect de leur peau (tableau IV).
Ingrédients peaux sensibles
Un soin aura pour but d’apaiser, de reconstituer la barrière (film hydrolipidique, stratum corneum) et d’abaisser le seuil de réactivité de la peau (tableau V).
Ingrédients anti-âge
Ils agissent sur les différentes manifestations du vieillissement cutané (tableau VI).
Les actifs phares et conseils en cosmétique
Après avoir acquis les connaissances de base en cosmétologie ainsi qu’en physiopathologie cutanée (cf La prescription des cosmétiques première partie) il est utile de savoir quels types de cosmétiques prescrire et quels conseils apporter, ainsi que de mener une consultation cosmétique selon une démarche professionnelle.
Les actifs phares et conseils contribuent à réduire et prévenir les différents désordres physiologiques rencontrés en cosmétologie (cf première partie, chapitre II).
Réduire la déshydratation cutanée
Les ingrédients hydratants
La déshydratation est un phénomène réversible et transitoire qui peut être corrigé (tableau III).
Vos conseils
- Nettoyer la peau en douceur. Utiliser un lait plus une lotion sans alcool, un fluide sans rinçage ou une eau démaquillante douce. Les peaux à tendance grasse peuvent utiliser une mousse nettoyante enrichie en ingrédients hydratants.
- Appliquer une crème adaptée aux différents types de peau matin et soir.
- Profiter des bienfaits d’un masque hydratant une fois par semaine.
- Protéger systématiquement la peau du soleil et appliquer une crème plus riche pendant les frimas hivernaux.
- Éviter les gommages trop fréquents sur les peaux sensibles.
Faire face à la sensibilité cutanée
Les ingrédients peaux sensibles
Un soin cosmétique aura pour but d’apaiser les peaux sensibles, de reconstituer la barrière protectrice (film hydrolipidique, stratum corneum) et d’abaisser à long terme le seuil de réactivité de la peau (tableau IV).
Vos conseils
- Tout d’abord, il est important d’éviter les agresseurs en cause.
- Nettoyer la peau avec une grande douceur en apportant des éléments apaisants et réparateurs.
- Eviter les savons alcalins, l’eau calcaire, les détergents, les tensio-actifs, les lotions et gels hydroalcooliques pour ne pas augmenter la sensibilité en délipidant le film hydro-lipidique déficient.
- Éviter les huiles essentielles ainsi que les produits complexes (trop d’ingrédients).
- Utiliser des émulsions de formulation simple, présentant peu d’ingrédients et ayant un pH proche de celui de la peau (pH 6-6,5), certaines eaux thermales.
- Tous les matins (en période de crise, plusieurs fois par jour et le soir), sur le visage et sur le cou, appliquer une crème hydratante et apaisante dont la texture sera choisie en fonction du type de peau (légère pour les peaux grasses, riche pour les peaux plus sèches), de l’âge et de la saison.
- Rappeler à votre patiente de protéger efficacement sa peau du soleil à l’aide de protecteurs d’un indice minimal de 30 et contenant des écrans minéraux pour éviter tout risque de sensibilisation aux filtres chimiques.
Freiner le vieillissement cutané
Les ingrédients anti-âge
Les ingrédients anti-âge sont parmi les plus diversifiés de la cosmétique. Ils agissent sur les différentes manifestations du vieillissement cutané qui varient d’un individu à l’autre (tableau V).
Vos conseils
Ce sont avant tout des conseils de bon sens.
- La lutte contre le vieillissement doit commencer tôt par des conseils de prévention.
- Il est nécessaire de lutter contre le dessèchement cutané, premier signe du vieillissement, en utilisant des textures suffisamment confortables ;
- La peau doit être protégée de l’exposition solaire par des produits à indices de protection élevé ;
- Conseiller un gommage hebdomadaire pour éliminer les défauts de desquamation (hormis les peaux très sensibles) ;
- Conseiller des crèmes dont les actifs répondent précisément aux problématiques de vieillissement du patient que vous avez en face de vous ;
- Nettoyer la peau en douceur. Utiliser un lait plus une lotion sans alcool, un fluide sans rinçage ou une eau démaquillante douce.
Comment mener une consultation cosmétique professionnelle ?
En se rendant dans un cabinet de médecine esthétique, les patients attendent du médecin esthéticien une démarche de spécialiste qui propose des solutions cosmétiques efficaces et sécurisantes adaptées à leurs besoins. Mais quelle démarche suivre ?
Connaître les préoccupations cosmétiques des patients
Il est possible en cosmétologie d’avoir une attitude aussi professionnelle que lors d’une consultation médicale, mais avec une démarche différente. La priorité d’une consultation cosmétique n’est pas de faire un diagnostic, il n’y a pas de maladie, mais de savoir quelles sont les préoccupations du patient pour pouvoir le conseiller et gagner sa confiance.
Il suffit de mener une enquête très simple à l’aide d’un questionnaire (tableau VI) qui vous permettra d’identifier les préoccupations de votre patient mais également de mieux connaître ses goûts et ses habitudes cosmétiques.
Cette phase d’interrogatoire est fondamentale. Elle va vous permettre de guider la consultation plutôt qu’être soumis aux questions de votre patient. Celui-ci se sentira d’autant plus face à un spécialiste que la consultation sera cadrée.
Prescrire des cosmétiques adaptés
Les réponses de ce questionnaire vous permettront d’orienter votre ordonnance beauté. Pour pouvoir la rédiger, il vous faut établir pour chaque indication une courte liste de cosmétiques.
Connaître des produits de référence pour chaque problématique
Avant de prescrire un produit de beauté, vous aurez au préalable identifié pour chaque problématique cosmétique au moins un ou deux produits de qualité (dotés d’études cliniques et conçus par des laboratoires reconnus). Recherchez également pour ces produits deux textures, une légère (gel ou fluide) ainsi qu’une riche (crème épaisse ou huile) pour répondre aux goûts ainsi qu’aux types de peau de vos patients.
Concernant l’hygiène, il est également nécessaire d’établir une liste de produits démaquillants et de nettoyage aux textures variées (eau démaquillante, lotion, lait, nettoyant à l’eau) pour chaque type de peau.
Rédiger une ordonnance cosmétique
Débutez l’écriture de l’ordonnance par le produit prioritaire qui correspond à la préoccupation principale de votre patient. N’hésitez pas à expliquer ce que le produit fait pour motiver le patient. Pour cela, il est intéressant d’insister sur un bénéfice immédiat attendu : apaisement pour peaux sensibles, matité pour les peaux grasses et d’expliquer également l’intérêt d’utiliser le produit au long cours pour obtenir des résultats durables.
Dans un second temps, vous pouvez indiquer un produit de démaquillage adapté. Un masque, un sérum (produit concentré) peuvent être recommandés pour des résultats plus rapides.
Il est intéressant d’avoir dans votre cabinet des échantillons pour faire tester les produits mais également pour disposer de la liste des ingrédients en cas d’allergie connue. Cette liste appelée Full Labelling Ingredient est écrite sur les étuis. Elle répertorie l’intégralité des composants de la formule selon leur dénomination commune internationale INCI (International Nomenclature of Cosmetic Ingredients). Ceux-ci apparaissent dans l’ordre du plus concentré au moins concentré. Les plantes se retrouvent sous leur nom latin.
Apporter des conseils cosmétiques et d’hygiène de vie. Pour les patients intéressés, vous pouvez leur montrer une technique simple d’application des produits :
- Nettoyer le visage et les mains avec un produit adapté et les essuyer délicatement avec une serviette propre.
- Puis, chauffer le soin cosmétique dans les mains pour qu’il soit à la température de la peau et l’appliquer par tapotements.
Des conseils d’hygiène de vie allant au-delà des soins cosmétiques (tabac et perte d’éclat, cernes et fatigue, alimentation et carence …) seront appréciés afin d’optimiser les résultats de la prise en charge.
Conclusion
En acquérant les connaissances essentielles en cosmétologie ainsi qu’une méthodologie simple pour mener une consultation cosmétique, les praticiens sont armés pour prescrire des cosmétiques adaptés à chaque patient et à chaque problématique.
BIBLIOGRAPHIE
- C. Lafforgue, J. Thiroux. Produits dermoscosmétiques mode d’emploi Comprendre pour mieux conseiller, Editions Arnette / Le Moniteur des Pharmacies, 2008.
- Règlement (CE) N° 1223/2009.
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Note du comité de lecture