Les études cliniques contrôlées sont rares en médecine esthétique, en particulier celles comportant une étude histologique cutanée réalisée in vivo chez l’humain.
OBJECTIF
En vue d’obtenir une référence pour une future publication, nous avons souhaité, sur quelques cas, vérifier les signes histologiques de vieillissement intrinsèque sur des biopsies de peau réalisées in vivo chez l’humain, et les comparer avec les données actuelles sur la sénescence.
MÉTHODOLOGIE
Huit femmes et un homme âgés de 41 à 63 ans (moyenne 53 ans) et une jeune femme de 23 ans, dûment informés et ayant signé un consentement écrit, ont accepté de subir une biopsie cutanée abdominale.
Les volontaires étaient indemnes de toute pathologie, notamment cutanée, mais aussi systémique telle que vascularite ou connectivite, et ne bénéficiaient d’aucun traitement. Pour des raisons d’acceptabilité la zone étudiée était la peau du ventre, minimisant de ce fait aussi les lésions de vieillissement extrinsèque (héliodermie), du fait d’une moindre photo-exposition. La zone étudiée était située sur le côté interne de l’épine iliaque antéro-supérieure gauche, après application d’un patch anesthésique (Emlapatch 5% ®), mis en place 90 minutes avant le geste biopsique.
Les biopsies étaient des punch-biopsies de 2mm, réalisées avec un dispositif stérile à usage unique, placées dans du formol, puis traitées par coloration standard, PAS, trichrome de Masson et orcéine.
Une étude immuno-histochimique complémentaire fut réalisée (Ki67, Mélan A, PS100) afin d’étudier respectivement l’index de prolifération, la population mélanocytaire et celle des cellules de Langerhans.
Les auteurs déclarent n’avoir bénéficié d’aucune rémunération, directe ou indirecte, ni de prêt ou don de matériel ou produit, de la part de fabricants ou laboratoires, en rapport avec le sujet de cette étude.
Les photographies sont à l’agrandissement x20
Cette biopsie initiale permettait d’étudier l’état histologique cutané, à fin de comparaison ultérieure, en particulier concernant les signes classiquement décrits de vieillissement cutané(1)(2) :
- amincissement épidermique et dermique
- aplatissement de la jonction dermo-épidermique avec disparition des papilles dermiques
- raréfaction et désorganisation des fibres de collagène dermiques et des fibroblastes
- diminution du collagène de type III au profit du collagène de type I
- raréfaction et désorganisation des fibres d’élastine.
RÉSULTATS
Critères histologiques de vieillissement et synthèse des observations initiales effectuées dans cette série.
1. Diminution du turn-over épidermique
Estimable grâce au Ki67, permettant d’évaluer la fraction des cellules entrées en cycle cellulaire sur des échantillons de petite taille.
On constate ici d’importantes variations inter-individuelles dans une même tranche d’âge.
2. Diminution de l’épaisseur de l’épiderme
Progressive, constante et visible dès 40 ans, atteignant jusqu’à 25 % dans la population >50 ans.
3. Diminution du nombre de mélanocytes et de kératinocytes dans l’épiderme
L’appauvrissement en mélanocytes est objectivé par l’étude immuno-histochimique utilisant la Mélan A. Une incontinence pigmentaire, témoignant d’une souffrance épidermique chronique ou prolongée, est également recherchée.
4. Diminution du nombre de cellules de Langerhans
L’appauvrissement en ces cellules présentatrices d’antigènes est objectivé par l’étude immuno-histochimique utilisant la PS100 (intervenant dans la diminution de l’immunité cellulaire).
5. Diminution du nombre de vaisseaux, annexes, fibroblastes et sécrétions sudorales.
Lorsqu’elles sont présentes, les annexes apparaissent souvent atrophiques.
6. Altération des fibres élastiques
Fragmentées dès 40 ans, avec aggravation jusqu’à prendre un aspect pulvérulent après 60 ans mais présence de variations inter-individuelles notables dans une même tranche d’âge.
7. Perte de cohésion dermo-épidermique et disparition des papilles dermiques par aplatissement de la membrane basale
Membrane basale : colorée par le PAS (coloration de routine) Horizontalisation multifocale puis diffuse donc progressive. Altérations vacuolaires de cellules des couches basales de l’épiderme, en nombre variable.
8. Fibres de collagène diminuées, dégradées et horizontalisées
Fragmentation progressive, constante mais avec variations inter-individuelles notables dans une même tranche d’âge, prédominant dans le derme superficiel.
Aspect en flammèche dans le derme profond.
9. Hypoderme moins épais
Souvent peu voire pas représenté sur les biopsies. Lorsqu’il est visible, il ne montre pas d’anomalie.
DISCUSSION
S’il n’est pas question de tirer des généralités d’une aussi petite série, il était intéressant d’avoir un aperçu histologique in vivo préalable à tout traitement.
Les aspects sont conformes à ceux décrits par Berbis (2) et Humbert & al.(1) mais le fait remarquable est la présence de variations inter-individuelles notables dans une même tranche d’âge, en particulier pour l’état des fibres de collagène et d’élastine.
Ceci pourrait peut-être expliquer, au moins en partie, la variabilité de la réponse aux traitements contre la sénescence cutanée selon les individus.
Dans des travaux futurs, il serait intéressant, pour les divers traitements anti-âge (locaux ou généraux) :
- d’étudier le degré d’amélioration histologique après traitement, en fonction de l’état histologique initial
- d’étudier le degré d’amélioration clinique après traitement en fonction de l’état histologique initial
- d’établir si certaines modifications histologiques permettent de prédire le résultat clinique du traitement.
BIBLIOGRAPHIE
- Humbert, P., Viennet, C., Legagneux, K., Grandmottet, F., Robin, S., Oddos, T., & Muret, P. (2012). In the shadow of the wrin- kle : Theories. Journal of Cosmetic Dermatology, 11(1), 72–78.
- Berbis, P. (2001). Vieillissement cutané : aspects anatomo- physiologiques. In Encyclopédie médico-Chirurgicale (Vol. 98-035-A-10, pp. 1–10). Paris: Editions Scientifiques et Médicales
Elsevier SAS.
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Note du comité de lecture