Le vaste domaine des disgrâces liées aux surcharges graisseuses localisées qui jusqu’à présent nécessitait d’accepter les contraintes et les risques liés à l’acte chirurgical (telle la lipoaspiration) pour y remédier, se voit dynamiser par deux nouvelles technologies : les ultrasons externes focalisés de haute énergie et la lyse laser ou lipolaser. Ces techniques sont tout à fait en phase avec un phénomène de société dont la demande en esthétique pousse vers des méthodes moins invasives à risque minimal et avec le moins d’effets secondaires possibles. Elles ne sont pas à confondre avec les méthodes dites de surface telles l’endermologie, les lasers externes, les dispositifs de radio fréquence et infrarouge, et les ultrasons défocalisés de basses fréquences dont l’action se situe plus au niveau de l’amélioration de l’aspect cutané.
La technologie des ultra-sons focalisés à haute énergie
Cette technique offre la première solution à ultrasons strictement non invasive permettant de détruire les adipocytes et ainsi permettre une diminution de circonférence dans une zone qui présente un excès graisseux localisé (voir l’article AFME pour le grand-public).
Cette technique, dérivée de la lithotripsie, repose sur une technologie innovante basée sur des ultrasons focalisés de haute énergie, qui permet de lyser par voie externe les adipocytes tout en respectant les structures nerveuses, vasculaires et le tissu conjonctif, comme en témoignent
les études histologiques (1). Les prélèvements de sang avec analyse hématologique, biochimique et endocrinologique ainsi que les analyses d’urine n’ont montré aucune anomalie dans les essais multicentriques réalisés ayant permis de confirmer l’efficacité de cette technologie (1,2). Une étude sur 34 patients a également permis de confirmer par imagerie ultrasonique une diminution statistiquement significative de l’épaisseur graisseuse dans toutes les zones traitées (3). L’effet purement mécanique, sans pratiquement aucun échauffement thermique, est obtenu grâce à une onde acoustique transmise en mode pulsé permettant une dissipation de la chaleur entre les pulses et empêchant ainsi l’élévation en température des tissus. Une pièce à main posée sur la surface de traitement produit l’énergie nécessaire pour détruire une tranche de tissu graisseux située à environ 1,5 cm de profondeur. La machine intègre un système de suivi et de guidage perfectionné, permettant de ne pas traiter deux fois la même zone et assurant une couverture homogène de la surface de traitement.
Les localisations anatomiques telles l’abdomen, les flancs et la culotte de cheval sont les indications préférentielles. Les zones plus étroites : bras, genoux, menton, dos, face interne des cuisses, sont actuellement non accessibles compte tenu de la taille de la pièce à main (figure 1). La graisse lysée est éliminée par les voies métaboliques naturelles mettant en jeu le foie pour les acides gras libres et le système macrophagique pour les membranes et débris cellulaires (4). La fonte graisseuse devenant apparente dans les 15 jours à 3 semaines qui suivent la séance permet de définir le temps nécessaire avant une deuxième procédure. La technique ne nécessite aucune anesthésie, les patients pouvant tout au plus ressentir un picotement parfois inconfortable. Une sensation douloureuse pourra toutefois être ressentie uniquement lors d’une impulsion délivrée en regard d’une zone osseuse très proche. La séance est relativement longue puisqu’elle dure en moyenne une heure. La reprise des activités est immédiate sans aucun effet secondaire en dehors d’un éventuel érythème spontanément résolutif en maximum 24 heures. Le respect des règles d’hygiène alimentaire et physique pour éviter la redistribution des lipides sera conseillé. Il existe toutefois quelques contre-indications :
- hernie abdominale, diastasis, anévrysme aortique connu, en cas de traitement de la région abdominale
- plaie ouverte ou dermatose active sur la zone de traitement
- matériel de synthèse en regard de la zone à traiter
- pacemaker
- grossesse
Les études cliniques réalisées à ce jour ont toutes obtenu sans modification de poids une réduction moyenne de circonférence :
- Moreno-Morega J et al : 3,94 cm
- Ascher B, Slama M : 3,77 cm sur 22 patients (5)
- Rozengaus F : 3 cm sur 87 patients
Notre étude sur 22 patients a démontré une réduction moyenne de circonférence de 3 cm après 2 séances (fig. 2). La répartition des zones traitées s’est faite selon la figure 3. Le poids (figure 4), contrôlé pendant la durée d’évolution, n’a pas montré de variation significative (2 mois) et la perte constatée en moyenne de 1 kg ne suffit pas à elle seule pour expliquer la réduction de circonférence.
Réduction de la circonférence après 2 séances
Zones traités
Courbe de poids
De l’analyse critique de notre expérience après 2 ans de traitement par ultrasons focalisés à haute énergie, il en résulte que :
- 2/3 des cas sont considérés comme bons à très bons et 1/3 comme mauvais à insuffisants ou ont échappé au suivi par arrêt du traitement,
- l’abdomen, les flancs et les graisses molles non indurées sont des sites de particulièrement bonne réponse,
- l’installation du patient et l’emballage du site de traitement pour rassembler le plus possible le capiton graisseux permettent de bonifier les résultats (figure 5).
- la prise en charge globale des patients (les conseils hygiéno-diététiques avant et après les séances afin d’orienter le métabolisme vers l’élimination des graisses libérées suite au traitement, la compliance des patients, les traitements adjuvants de surface associés) et la qualité de la sélection des patients (désir irréaliste) influent sur l’indice de satisfaction de la technique.
- le protocole actuel de 3 séances à 2 semaines d’intervalle permet une optimisation des résultats et semble être celui recommandé par l’ensemble des équipes de par le monde.
Malgré des résultats encore variables suivant les patients, cette technologie mérite aujourd’hui sa place dans l’arsenal thérapeutique des lipodystrophies localisées.
LA LYSE LASER Nd Yag
La lyse laser (6) est une technique « endolaser » mini invasive réalisée sous anesthésie locale en cabinet équipé. Les sources photoniques actuellement utilisées sont le Nd Yag 1064 nm, la diode 980 nm et plus récemment l’association de deux longueurs d’onde 1064-1320 nm. Ces différentes longueurs d’onde, bien que similaires dans la réalisation de l’acte, présentent leur spécificité et nous détaillerons uniquement ici, notre expérience avec le laser 1064 nm (fig. 6). Le principe de cette technique est de délivrer le rayonnement photonique directement au sein du tissu hypodermique par voie transcutanée grâce au cathétérisme d’une micro fibre optique de 0,3 mm au travers d’une canule de faible diamètre (1mm) de longueur variable (fig. 7). La caractéristique du pulse Nd Yag de la lyse laser (fig. 8) délivrant un pic de puissance très élevé en un temps très court permettant de cumuler une triple interaction laser-tissu (en agissant sur l’adipocyte, son contenu et l’espace interstitiel autour de lui) en fait tout l’intérêt et lui confère toute sa spécificité.
L’effet premier du laser sur l’adipocyte se traduit par une action à la fois photomécanique photothermique : ces deux effets se conjuguent dans l’hypoderme pour amplifier le mécanisme de-destruction adipocytaire. L’absorption photonique par le tissu graisseux, altère ainsi les protéines membranaires et particulièrement la pompe Na+K+, provoquant une tuméfaction cellulaire qui fragilise les membranes. La chaleur se confinant à l’intérieur de l’adipocyte finit par le conduire à la rupture. Ces effets sur la membrane cellulaire assurent dans un premier temps une destruction immédiate d’un certain nombre d’adipocytes ; secondairement, une deuxième quantité d’adipocytes dégénérera, par dénaturation photonique et arrêt progressif des fonctions cellulaires dans la période successive à l’application du laser. Ce mécanisme menant à l’adipocytolyse est intimement lié à la température atteinte (entre 45°C et 65°C) et donc à la quantité totale de joules délivrée pour un volume donné.
La deuxième action concerne l’effet métabolique du laser sur le contenu de l’adipocyte, c’est à dire une véritable lyse par la liquéfaction des graisses solides, sous forme de triglycérides présents dans les adipocytes, en émulsion huileuse fluide composée d’acides gras libres et de glycérol. Cette transformation ne correspond en pratique qu’à un petit pourcentage (10 à 20 %) du tissu graisseux mais a une importance fondamentale comme « end point » dans l’appréciation de la fin du traitement (fig.9). Une partie de cette huile s’écoulera spontanément par les points d’entrée en post opératoire immédiat. Son évacuation pourra être favorisée par le massage.
L’autre partie sera reprise par les voies lymphatiques et éliminée progressivement par les voies métaboliques. Cette action est rendue possible par l’effet de dénaturation thermochimique des constituants tissulaires. La conductivité thermique étant plus faible dans la graisse (0,17w/m/k) par rapport à celles du derme (0,53w/m/k) et du muscle (0,42w/m/k), la quantité de chaleur transférée par le laser reste confinée dans le tissu graisseux et plus particulièrement à l’intérieur de l’adipocyte. A l’inverse, la diffusion étant importante dans la graisse, l’élévation de la température atteindra rapidement 62°C, température de transition de phase permettant la transformation des triglycérides solides en acides gras libres et glycérol, liquides. Les nouvelles techniques associent un détecteur de température au bout de la fibre optique pour un meilleur contrôle et plus de sécurité.
La troisième action du laser résulte de l’élévation de la température dans l’espace péri-adipocytaire. La chaleur induite permet une coagulation des petits vaisseaux présents dans le tissu graisseux minimisant ainsi les effets secondaires d’hématomes et d’œdèmes post opératoires, pour le plus grand confort des patients. L’effet thermique du laser lorsque celui-ci se trouve à proximité ou au contact du derme réticulaire va induire une excitation des fibroblastes de manière bien plus importante que lorsque la source est externe puisqu’il n’y a pas de filtre épidermique, induisant une néoformation de collagène et une rétraction cutanée très nettement significative cliniquement. Au fur et à mesure de sa progression dans le tissu graisseux le Nd-Yag provoque un véritable collapsus des travées fibreuses rencontrées libérant ainsi la peau rétracté de la cellulite et permettant un véritable remodelage interstitiel, améliorant ainsi l’aspect « peau d’orange ».
De par son action sur la réduction des volumes graisseux, cette technique (7,8,9) n’est pas une concurrente de la liposuccion et peut même parfois lui être associée comme par exemple dans des zones de tissu fibreux puisqu’elle permet l’effondrement sans résistance des travées fibreuses hypodermiques rendant la lipoaspiration secondaire plus facile. Elle est particulièrement adaptée au traitement:
- des zones de faible épaisseur graisseuse
- des zones délicates où l’on était réticent à proposer une liposuccion (bras, cheville, dos, genoux, face interne des cuisses…)
- des zones de cellulite superficielle « peau d’orange » grâce à son action à la fois lipolytique et fibrolytique
- des zones associant excès graisseux léger à modéré et peau flasque ou à potentiel de flaccidité en cas de liposuccion traditionnelle
- des zones fibreuses ou « difficiles » (gynécomastie, région abdominale supérieure, retouche de lipoaspiration)
- des zones où l’excès graisseux est restreint ou très minime y compris sur le visage
- de l’hyperhydrose axillaire.
Nous avons choisi d’illustrer notre expérience sur les effets de la lyse laser Nd YAG 1064 nm par 3 cas (après 4 mois). Le premier cas, permettant d’apprécier l’effet sur le remodelage corporel avec une action essentiellement sur la diminution du volume graisseux au niveau de la région dorsale (fig 10). Le deuxième cas mettant en évidence l’action majoritaire sur la rétraction cutanée au niveau d’un abdomen (fig 11). L’amélioration obtenue dans le troisième cas fait intervenir le cumul des deux effets précédents (fig 12).
Résumé
L’histoire du remodelage corporel durable s’est construite sur une seule technique : la lipoaspiration, qui malgré de nombreuses avancées techniques au cours de plusieurs décennies est restée une méthode comportant des risques, des inconforts, et des contraintes à la fois pré et post opératoires liés à sa nature chirurgicale invasive. Récemment deux nouvelles méthodes viennent élargir la possibilité de traitement des lipodystrophies. L’une faisant appel aux ultrasons focalisés de haute énergie qui est une méthode strictement non invasive, l’autre à caractère mini invasif utilisant l’énergie photonique du laser.
Conclusion
Ces 2 méthodes représentent de véritables avancées dans le traitement des zones de surcharge graisseuse. Malgré des résultats encore variables, les ultrasons focalisés de hautes énergies sont une réelle prouesse technologique qui, de par son caractère strictement non invasif, permet un confort extraordinaire pour les patients. Son amélioration et son extension au traitement de zones plus étroites encore inaccessibles aujourd’hui en feront une technique incontournable et plus largement utilisée.
La lyse laser dont la dénomination la plus adaptée devrait être la lipofibrolyse laser, par son approche sous dermique du laser est certainement promue à un grand avenir et mérite toute l’attention du lasériste dans le domaine de la dermatologie esthétique ainsi que dans le développement et la recherche de nouvelles indications notamment en matière de rétraction cutanée, de restructuration dermique et interstitielle ou encore dans l’amélioration de certains états cicatriciels.
Bibliographie
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- MorenoMoraga J et al Body contouring by non-invasive transdermal focused ultrasound J ASMLS, April 2007.
- Otto J, remodelage de silhouette non invasive par ultrasons: expérience préliminaire, cosmedicate, London, Royaume Uni.
- Brown S, Que devient la graisse après un traitement avec le dispositif Ultra Shape ? UT Southwestern Medical Center, Dallas, Etats-Unis.
- Ascher B, Slama M, Reduction in treatments time interval from 4 weeks to 2 weeks on circumference reduction, body contouring and patient satisfaction using the contour I – preliminary results of a control clinical trial. ISAPS, Melborne 2008.
- Blanchemaison Ph, Reynaud JP, Mordon S, Le traitement de la cellulite par laser : mode d’action, technique et résultats, J Med esth et Chir Derm, Septembre 2007.
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- Goldman A. et al, Laserlipolysis. Liposuccion with Nd :YAG laser, Rev Soc Bras Laser 2 :15 2003.
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- Kim K.H Laser lipolysis using a novel 1064 Nd :Yag laser, Dermatol. Surg. 2006 Feb; 32(2): 241-48.
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Note du comité de lecture