J’ai une clientèle pratiquement masculine, dont la demande diffère totalement de la patientèle féminine. Si la femme va chercher à retrouver sa jeunesse et surtout sa joliesse, l’homme va demander surtout à retrouver un visage plus tonique et empreint de vitalité. Lorsque le patient se plaint d’avoir l’air fatigué, il est certain que l’affaissement temporo-malaire est à rechercher.
Observation
Statique
Les masses tissulaires, en s’affaissant, vont d’une part déshabiter les zones temporales, creusant les tempes puis la région malaire, créant les cernes et la vallée des larmes, par division en deux de la joue. Mais l’homme ne va pas trop effectuer de demande à ce sujet.
Par contre, les masses du coussin adipeux pré-malaire sous cutané vont s’affaisser et venir buter contre le sillon naso-génien qui est fixe. Ainsi retenus, les tissus mous vont former le bourrelet naso-génien.
Une perte de la fermeté du contour du visage va ensuite se rajouter : ce sont les bajoues, dues à la ptose de la graisse contre le sillon labio-mandibulaire, creusé en haut par les insertions du muscle depressor anguli ori, et en bas par les insertions du ligament mentonnier (ou cutanéo-mandibulaire).
C’est cette demande qui est le plus souvent effectuée par la patientèle masculine car donnant un aspect de « rocker vieillissant », peu séduisant…
En dynamique
En demandant au patient de sourire, on va noter le volume et la remontée de la pommette vers l’os malaire, ce qui est une bonne indication de l’utilisation des fils crantés.
Si ce volume ne remonte pas totalement vers l’os malaire, cela veut dire qu’il faudra sans doute ajouter au relèvement un comblement ultérieur, pour pallier à l’insuffisance de volume final de la pommette.
Palpation
Elle permet de noter l’épaisseur de la peau concernée et sa tonicité. En effectuant des tensions digitales, on va déjà noter le trajet futur des fils à poser. Les tissus concernés sont uniquement des tissus cutanéo-graisseux superficiels et musculaires.
Les tissus profonds ne sont pas concernés. Donc, en pratique, les éléments nobles ne doivent pas être menacés, même si dans le cas d’une peau masculine, le pli cutané est deux fois plus épais que celui d’une femme (en pinçant entre deux doigts il y a souvent un bon centimètre).
Réflexion thérapeutique
Outre l’utilisation de la toxine botulique pour les rides musculaires et les techniques de comblement pour les pertes de volume, le vieillissement dû à la ptôse des tissus bénéficie maintenant de techniques plus légères.
Or, la demande des patients évolue actuellement vers des actes de moins en moins invasifs, si possible sans cicatrice et sans éviction sociale. Depuis quelques années, la pose de fils crantés courts puis de plus en plus longs, est devenue une alternative intéressante au lifting du bas du visage.
Chez l’homme, la peau est beaucoup plus épaisse que chez la femme. Elle se flétrit beaucoup moins. Par contre, l’affaissement prédomine et nécessite l’emploi de fils plus puissants en force de traction que les fils crantés connus jusque-là.
La survenue récente sur le marché des fils élastiques à picots m’a permis d’effectuer une amélioration très importante de ces techniques de rajeunissement facial, en gardant un aspect très naturel malgré la force de traction demandée sur ce type de peau.
Ces fils ont une double trame et des picots orientés dans les quatre directions. De plus, il y en a 25 par centimètre, au lieu de 4 à 5 pour les fils plus anciens. Ils ont donc un ancrage très efficace et une puissance de soutien encore renforcée par leur élasticité ; ce qui leur confère un effet dynamique et une excellente répartition des charges, tout le long du fil.
Cas clinique
J’ai choisi sciemment un cas compliqué pour tester l’efficacité de ces nouveaux fils « springthread ».
Il s’agit d’un patient de 62 ans ayant eu un accident de la circulation et donc porteur de nombreuses cicatrices sur tout le visage. Une en particulier au menton, prenant la forme d’une fausse fossette.
Ce patient a déjà eu des injections répétées dans le sillon naso-génien, pratiquées par un confrère, mais sans résultat esthétique à ce jour. Le patient a bien noté une migration du produit vers le haut du bourrelet nasogénien, sans doute aggravé par le cloisonnement important de l’hypoderme à cause des nombreuses cicatrices.
Sa peau est très épaisse et les sillons naso-géniens sont donc très marqués.
Protocole pré-opératoire
- J -15 : la première consultation va permettre de définir les attentes du patient et bien évaluer son état psychologique. Un devis, associé à la lettre d’information expliquant les mesures à observer avant et après la pose des fils ainsi que les éventuels effets secondaires, lui seront remis. Un délai de 15 jours sera respecté entre la remise du devis et le jour de la pose des fils
- J -8 : Le patient doit éviter la prise d’aspirine, anti-coagulants ou antiinflammatoires.
- J -1 : je demande au patient d’effectuer, la veille, un shampoing avec de la Bétadine Scrub
- J -0 : le patient ne doit pas être à jeun. Une prémédication légère à base de CLONAZEPAM (5 à 8 gouttes) est souhaitable.
Pratiquer des photos avant toute chose : de face, trois quart et profil (photos 1, 2, 3):
Technique de pose des fils « springthread »
Je décide de poser un simple X avec un fil double remontant vers le crâne et un fils double pour rehausser la pommette
Matériel nécessaire
- Trois champs stériles
- Gant stériles
- Aiguille NOKOR
- Compresses stériles
Le sujet étant debout, on trace au feutre dermique le trajet des fils en tenant compte des trajets anatomiques du sillon naso-génien et de l’angle mentonnier.
Le sujet allongé
- Désinfection en deux temps par de la Bétadine solution dermique à 10 %
- Pose de champs stériles sous la tête du patient ainsi que sur son torse.
Anesthésie locale
J’associe une anesthésie tronculaire à une anesthésie de proche en proche sur le trajet des fils, avec de la XYLOCAÏNE adrénalinée à 2%
Confection de la loge pré auriculaire
- Situation de la loge : Elle se situe entre le bord postérieur de l’os malaire et le bord antérieur de la parotide (schéma 1).
- Couper les cheveux autour du point d’entrée.
- Scotcher les cheveux du haut qui recouvriront la petite cicatrice (2mm de long).
- Large désinfection à la bétadine iodée
- Anesthésie à la XYLOCAÏNE adrénalinée à 2% puis hydro dissection au sérum physiologique autour du point d’entrée pour éviter la douleur et rester bien superficiel. Donc non dangereux dans tous les cas. C’est à cet endroit que les boucles des fils vont se nouer et permettre une tension des fils vers le haut du crâne, relevant ainsi la pommette (Schéma 2)
- L’incision du point d’entrée se fait grâce à une aiguille NOKOR 18 qui permet ensuite d’élargir la logette pré auriculaire par un mouvement rotatoire.
Une pince Kelly fine est ensuite utilisée pour élargir cette logette, surtout dans le cas de ce patient qui présente d’emblée une peau très indurée.
Ce type de fil « springthread » comporte deux aiguilles à embout mousse aux deux extrémités. Un point noir au milieu de la longueur du fil sert de repère pour former la boucle qui dépassera d’un cm dans la loge pré auriculaire.
Nous sortons donc la première aiguille munie du fil de son étui en prenant garde de ne pas sortir la totalité du fil ; seulement la moitié. Il vaut mieux couder légèrement l’aiguille pour respecter la courbure du crâne.
Le point de sortie sur le crâne étant déjà dessiné, nous dirigeons l’aiguille vers celui-ci. La difficulté étant de pouvoir faire sortir la pointe de l’aiguille à l’endroit choisi car la pointe de cette aiguille est mousse. J’utilise une pince qui est posée sur la peau juste sous la pointe de l’aiguille qui n’est pas encore sortie. Cela permet de la faire sortir plus facilement. Un autre moyen est de donner un petit coup de scalpel pour faciliter sa sortie mais cela reste plus traumatique.
Une fois l’aiguille sortie, il s’agit de tirer sur le fil pour que celui-ci la suive. Ce geste doit être effectué sans hésitation ni arrêt, car ce fil ayant des picots dans les quatre directions peut alors se bloquer.
La traction doit donc être continue et sans à coups.
Il faut veiller à garder un excédent d’un centimètre de fil extérieur avant de le désolidariser de son aiguille.
Bien veiller à ce que le repère noir reste au milieu de la boucle que le fil va constituer dans la loge pré auriculaire.
La deuxième aiguille est alors sortie et nous pratiquons de même en gardant un trajet en « V » vers le haut du crâne (Schéma 3).
Le passage de l’autre fil vers le bas se fera de la même façon, en cintrant moins l’aiguille.
Je veille à dépasser le sillon nasogénien de deux centimètres afin de pouvoir bien le remonter ensuite. La seconde extrémité du fil sera dirigée plus vers l’angle mentonnier pour remonter cette pommette en globalité.
Avant de couper les fils retenus par les aiguilles, bien vérifier qu’un bon centimètre de fil est sorti de la peau.
La boucle du deuxième fil doit passer dans la boucle du premier pour ensuite pouvoir exercer une traction dans les deux sens : vers le haut et vers le bas (Schéma 4).
Mise en traction des fils
Mise en tension légère des fils inférieurs pour aplatir les boucles, au croisement des fils (Photo 4)
Puis mise en tension extrême des fils supérieurs pour tirer la boucle vers le haut afin qu’elle soit plus haute que le point d’incision de la logette pré auriculaire.
Faire asseoir le patient.
Mise en tension des fils inférieurs en repoussant les tissus avec les doigts. Il faut effectuer une légère sur-correction.
Bien détendre les tissus pour ne pas former de plis pré auriculaires inesthétiques.
Je montre au patient le résultat.
Au final, j’exerce une traction sur l’extrémité de chaque brin de fil pour l’enfouir sous la peau (Schéma 5)
Soins post opératoires
- Pas de point sur la cicatrice de la logette pré auriculaire.
- Eventuel stéristrip.
- Désinfection journalière par HEXOMEDINE spray.
- Antibiothérapie par voie générale de six jours.
- Paracétamol si tiraillements.
- Pas de massages ou frottements pendant une semaine.
Le troisième jour, le visage est très légèrement gonflé.
Le huitième jour, je revois le patient qui est très satisfait mais qui ressent une légère douleur sur la joue droite depuis un rasage, sans doute, trop précoce.
Je refais une petite anesthésie le long du trajet du fil pour pouvoir aplanir à la main, sans douleur, la peau que ce patient avait déplacée avec son rasoir et qui provoquait ce tiraillement.
Bien refaire un bilan photographique, au huitième jour et au premier mois.
Résultats
L’effet tenseur va subsister environ 5 à 7 ans mais il faut bien expliquer au patient que, malheureusement, il va continuer à vieillir. Les tissus vont donc progressivement se relâcher, comme cela se passe pour un lifting et nécessiter une deuxième pose de fils dans 5 à 7 ans.
Effets secondaires
Les plus fréquents sont les suivants :
- hématomes le long du trajet des fils ; il faut conseiller, en post opératoire, d’appliquer des poches glacées 2 à 3 fois par jour pendant les 4 premiers jours.
- l’œdème est normal mais doit rester très modéré et local (le long du trajet des fils). Il est à son maximum le 3e jour, donnant au patient un aspect légèrement bouffi en bas du visage, joint à un « sourire » un peu béat.
- des plis cutanés peuvent se former secondairement ; c’est pour cela qu’il est impératif de revoir le patient au 3e jour pour régler ce problème comme je l’ai expliqué plus haut.
Conclusion
J’ai été surprise par l’efficacité de ces fils. Ils exercent une traction intéressante, même en cas de peau très lourde et épaisse, donc difficile à soulever.
J’ai choisi de n’en mettre que le minimum, et pourtant, l’effet souhaité par le patient a été obtenu (photo 5).
Les picots orientés dans les quatre directions confèrent au produit un ancrage plus efficace que les fils crantés dans deux directions seulement. Donc les problèmes de glissement post-opératoires sont bien moins importants.
Le nombre de picots plus élevé explique la force de traction de ces fils.
Grâce à l’élasticité du fil les charges sont bien réparties évitant les douleurs de surtension et donnant en post-opératoire un effet naturel par la conservation de la mobilité musculaire.
Ces fils sont très innovants et permettent un rajeunissement facial très facile à réaliser en ambulatoire et sans éviction sociale.
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Note du comité de lecture